Créé en 1985, par Jean-Pierre Chevènement alors ministre de l’éducation, l'objectif du bac professionnel se veut double. D'une part, valoriser la filière professionnelle, tout en permettant aux adolescents de milieux populaires d'accéder à un diplôme. Si derrière cette volonté altruiste affichée se cache une manœuvre politique, la création du bac pro a permis au gouvernement socialiste de l'époque d'amener 80% d'une même classe d'âge au niveau bac. 30 ans après, 30% des candidats au bac sont issus de la filière professionnelle, derrière la filière générale (50%) et devant la filière technologique (20%). C'est dire si le bac pro prend aujourd'hui une place prépondérante dans l'offre d'orientation des collégiens. L'idée préconçue de voie de repêchage recule face à la notion de voie d'accès différente aux études supérieures. Néanmoins, les clichés ont la vie dure et la réalité reste implacable. Les clivages apparaissent notamment à partir du collège lorsque les idéaux des jeunes se confrontent parfois violemment à l'orientation professionnelle. Malgré les efforts réalisés, la filière professionnelle reste synonyme de dernière chance, d’échec scolaire au collège voire de déclassement.
Par ce projet photographique qui se veut le portrait intime d’une classe de lycée professionnel de province, j’aspire à montrer, à travers ces témoignages d'adolescents, que la filière qu’ils ont choisie n’est pas une filière au rabais. Bien au contraire, ces élèves savent d’ores et déjà ce qu’ils veulent faire de leur vie, pourquoi ils ont choisi cette formation et les sacrifices qu’ils sont prêts à accepter pour atteindre leur objectif ; obtenir ce baccalauréat professionnel et devenir l’adulte qu’ils ont décidé d’être. Je côtoie les « motos » depuis presque trois ans maintenant, dans ce qui fait leur quotidien. Oui le collège a été, pour une grande majorité, une épreuve douloureuse. Ils ne se sentaient pas à leur place, avaient l’impression de perdre du temps et de ne pas être fait pour les études. Néanmoins, à l’approche du diplôme tant convoité, la majorité d’entre eux ont choisi de poursuivre vers le BTS. Signe qu'en trois ans d'enseignement professionnel, les collégiens en rupture avec l'école ont pris goût aux études et que la pratique donne confiance.