Bio

 

"Documenter" Portrait par Florent Corda

Documenter pour Arnaud Roiné est un leitmotiv qui fait presque figure de ligne éditoriale dans son travail…
Des chambres noires de Clip Clap, petit laboratoire photographique de Château-Gontier, au sable malien en passant par les salons feutrés du palais de l'Elysée, Arnaud Roiné s'est suivi, lui et son désir de voir par l'objectif. Appelé sous les couleurs, il choisira les paras et sera, dès 1996, photographe militaire à la 11e division parachutiste basée à Toulouse. Affecté en 1998 au service audiovisuel de l'Elysée, il sera de tous les voyages officiels de Jacques Chirac puis de Nicolas Sarkozy en tant que photographe officiel. A destination des Archives Nationales, il photographiera l'histoire de la République tout en restant fidèle à sa maxime de regarder où les autres ne voient pas. Il aimera aussi immortaliser le quotidien des petites mains de la première maison de France qui comme des fourmis s'acharnent à l'irréprochable. Huissiers, cuisiniers, gardes du corps, ils seront mis à l'honneur au travers d'un ouvrage et d'une exposition exposée sur les grilles du faubourg Saint-Honoré. Mais les récits de ses années « para » ne l'ont pas quitté. De plus, les photographes des pools et des grandes agences qu'il côtoie quotidiennement lui content eux-aussi des histoires de poudres et de chaos. Ici, ce sera l'Afghanistan qui sera au cœur des échanges. Il veut encore et toujours en être. Finis les grands sommets internationaux, finis les rencontres bilatérales, place aux théâtres d'opérations. En 2008, Arnaud intègre l'ECPAD où il deviendra très vite chef des reporters photographes. Sa première opération sera sur le sol afghan, à peine 6 mois après l'embuscade d'Uzbeen. Outre les images de communications officielles, il rapportera de la Kapisa des images de vie quotidienne des soldats français entre deux guerres. Sur l'eau à présent, il embarquera, en 2011, au large de la Libye lors de l'opération Harmattan. En vase clos, il peindra la guerre à travers les expressions de visages de ces pilotes et navigateurs qui décollent la nuit pour bombarder les colonnes de chars du colonel Kadhafi. Ce sera son premier « reportage référence » avant l'opération Serval au Mali en 2013, où, seul, il foulera les Ifogas et entrera dans Tombouctou. Présent où les autres ne sont pas, ses images serviront les médias et animeront les chroniques d'une guerre totale que la France redécouvre. 
2014 marquera un tournant dans sa carrière d'opérateur militaire.  En proie au virus Ebola, la Guinée reçoit l'aide médicale et matérielle de la France. Arnaud sera de cette aventure qui le marquera à vie. Intégré au cœur d'un centre de traitement, il verra la mort mais aussi des résurrections. Dans cette première approche, il ira plus loin et retournera en Guinée un an plus tard pour retrouver les guéris d'Ebola qu'il avait rencontrés. Pour ce travail, il sera projeté à Visa pour l'Image 2016.
Revenu dans sa Mayenne natale, l’ancien soldat s’interroge alors que le jeune documentariste turlupine. Sa notion du temps évolue. Même s’il collabore régulièrement avec les grands titres de la presse nationale et régionale, plus question de « coller » à l’actualité, place au documentaire. Ses sujets : les oubliés et les invisibles. La santé mentale, la pédopsychiatrie, l’engagement des prêtres sont autant de sujets où Arnaud s’attache à mettre en abyme les sans-voix.  
A présent, il ne photographie plus pour voir mais pour lire les souffrances, entendre l’espoir. Pour dénoncer aussi. En s’attachant au long cours, il vit au rythme de ses sujets pendant plusieurs mois. Le superflu se nourrit d’immédiateté quand le documentaire requiert temps et confiance.  
Dans son approche documentaire, Arnaud va même plus loin. Il met un point d’honneur à rapprocher la culture de ses oubliés. Pour lui, c’est à la culture d’aller se manifester aux portes de ses invisibles, trop souvent éloignés des expositions et des salles de spectacles. Avec « ces lieux nous lient » par exemple, il a redonné, cet hiver, des couleurs aux Pommeraies, par une exposition in situ au cœur de ce quartier populaire de Laval. Un pas de plus pour montrer à ses oubliés et ses invisibles qu’ils comptent en tant que citoyens, en tant qu'individus, en tant qu’êtres humains.