

Regards et préjugés, la culture chez les jeunes en questions.
Laetitia, danseuse, intervenante en milieu scolaire, professeur de danse au conservatoire de Laval agglomération et membre la compagnie Art Zygote.
« J’interviens dans des classes pour lesquelles la danse est imposée. Dans ces conditions, les élèves n’ont pas d’attentes particulières, ils subissent un peu à cause des images qu’ils ont de la danse. La danse c’est pour les filles, si un garçon fait de la danse, c’est un homo... Et puis il y a l’idée que cet art est très rigoureux, avec l’image de la danse classique. Au départ, il y a beaucoup de barrières et de réticences. Quand ils comprennent que je ne leur impose rien, ils se détendent un peu. Tout passe par le corps et le jeu. L’opposition, les notions de combat, de force, tout ça les amène au contact physique avec l’autre. Ce contact n’est pas naturel au départ. Il faut désexualiser le rapport qu’ils ont au corps. Sans parler de ce qui est véhiculé par les clips musicaux : une sexualisation des corps qui me questionne beaucoup sur ce que ces images leur renvoient.
Ce qui peut aussi perturber les élèves, c’est l’absence de jugement, de règles. Quand ils sont 24, je leur dis qu’il y aura 24 réponses différentes et elles seront toutes bien, ça déstabilise beaucoup ceux qui sont scolaires, et ça rassure ceux qui ont plus de mal à l’école. On touche souvent des élèves qui sont en échec scolaire ou en difficulté. Mais je n’y vais pas pour ça, je ne suis pas art thérapeute, je vais dans les écoles pour partager mon art et c’est tout.
Je fais des bilans en fin de cycle et souvent il y a cette notion de : « Ça fait du bien physiquement. » Juste ça, c’est gagné pour moi. Quand on a 14 ans, souvent, on n’est pas bien dans sa peau, on se sent moche ; il y a le regard des autres, et là on leur demande de s’exposer physiquement.
Avec la compagnie Art Zygote, nous proposons des spectacles à destination du public jeune. De la maternelle au lycée. Les enfants sont des êtres intelligents alors on tente de ne pas faire de spectacles gnangnans. Nous essayons de nourrir leur imaginaire, de les faire voyager autrement. On leur dit qu’ils ont droit d’exprimer leurs émotions pendant le spectacle, ils ont droit à l’ennui aussi. Ils peuvent aimer ou ne pas aimer et ils peuvent le dire. L’art et l’enseignement de l’art doivent les aider à construire leur libre arbitre, c’est essentiel. Je crois qu’il faut se mettre à leur niveau plutôt que vouloir leur imposer des choses qui ne les touchent pas. »
